La Fontaine du Balustre d’Or d’Annecy
Cette fontaine commémorative marque fortement le souvenir du séjour annécien de Jean-Jacques Rousseau. Son inauguration en grande cérémonie, le 21 et 22 juillet 1928, suscite une vigoureuse polémique dont la presse se fait l’écho. Tandis que “Le Progrès” convie aux réjouissances tous les “amis de la pensée libre”, “Le Réveil Social” parle de “faux grand homme”. “La Croix de Haute-Savoie se fait le porte-parole de l’évêque qui voit dans ce monument une véritable provocation contre les catholiques. La presse nationale s’en mêle. L’évènement qui fait si grand bruit est en fait l’aboutissement d’un voeu de Jean-Jacques Rousseau, à propos du lieu de sa première rencontre avec Eléonore de Warens, auprès de qui il avait été envoyé pour être converti à la foi catholique ! Il avait seize ans elle en avait vingt-huit.
Pour lui se fut l’éblouissement. “Je vois un visage pétri de grâce, de beaux yeux bleus pleins de douceur, un teint éblouissant, le contour d’une gorge enchanteresse”. Rien n’échappa au rapide coup d’oeil du jeune prosélyte; “car je deviens à l’instant le sien, sûr qu’une religion prêchée par de tels missionnaires ne pouvait manquer de mener au paradis”. Evoquant dans ses Confessions la rencontre avec celle qu’il nommait “maman”, Jean-Jacques avait formulé un souhait : “Que ne puis-je entourer d’un balustre d’or cette heureuse place ! que ne puis-je attirer les hommages de toute la terre!”.
Son voeu sera exaucé deux cents ans plus tard, sur l’initiative du peintre-graveur André-Charles Coppier (1866-1948) qui, en 1926, lance un appel fervent et organise une souscription. Cette initiative est soutenue par les radicaux de Fernand David, président du conseil général de Savoie, Joseph Blanc, maire d’Annecy et par Henri Robert, membre de l’Académie française.
Située à quelques pas du lieu de la première rencontre, dans la cour de ce qui est aujourd’hui l’école nationale de musique et de danse, existait une fontaine tarie que Coppier propose de rétablir. Il réalise les plans d’une fontaine en forme de niche abritant une reproduction du buste de Rousseau par Houdon et un bassin semi-circulaire surélevé dont la margelle porte l’inscription :” Au matin de Pâques fleuries de 1728, Jean Jacques Rousseau rencontrait ici Madame de Warens”. Au-devant a été placée une vasque que surmonte un bel ouvrage de ferronnerie dorée “le Balustre d’Or” fait de coeurs entrelacés et de pervenches symboliques des Charmettes, réalisé par le ferronnier Baptiste Montant.
Ce buste connut bien des vicissitudes. En effet, à plusieurs reprises on trouva le philosophe barbouillé de peinture, si bien qu’à force de nettoyage et de grattage, le visage devint de moins en moins reconnaissable, jusqu’au jour de mai 1961 où il fut enlevé et retrouvé le nez cassé sur le bateau France. Le 17 mai 1963, les Amis du vieil Annecy suggéraient au maire de la cité de faire sculpter un nouveau buste de Rousseau, tel qu’il pouvait se présenter lors de son arrivée à Annecy. L’accord était donné quelques jours plus tard et Jean-Pierre Dekok, sculpteur bruxellois, se voyait confier l’exécution de l’oeuvre. En 1963, un Jean-Jacques Rousseau tout rajeuni était fixé sur le socle de la niche de la fontaine.
Malheureusement la pierre utilisée pour réaliser cette oeuvre s’avéra très fragile et comme le nouveau buste était aussi malmené que le précédent, il ne supporta pas les nettoyages successifs. En 1970, il fallu procéder à l’installation d’un nouveau buste qui n’était autre que la réplique en pierre reconstituée de l’oeuvre de Houdon ! Hélas le nouveau buste ne devait pas rester plus longtemps que le précédent et dans la nuit du 10 au 11 août 1976, il disparaissait. C’est en novembre 1976 que fut placé le dernier spécimen du buste de Houdon.
Nous remercions Monsieur Copel de l’Office du tourisme d’Annecy pour les copies d’une partie du livre “l’eau dans la ville ” et du bulletin municipal de Septembre 1988, qu’il nous a aimablement fait parvenir et dont l’historique de cette fontaine est extrait.