La Fontaine Saint-Quirin de Brec’h
Les fontaines bretonnes ont leurs particularités : elles sont essentiellement rurales, situées dans des hameaux plutôt que des villages et associées à des édifices religieux éparpillés dans les campagnes. La fontaine Saint-Quirin est liée à la chapelle Saint-Quirin dans le village de Saint-Guérin sur la commune de Brec’h. Il s’agissait d’une chapelle seigneuriale qui dépendait de la seigneurie de Kérivalan propriété de la famille de Robien un grand propriétaire foncier en Bretagne au XVIIème siècle.
La chapelle ainsi que la fontaine sont placées sous le patronage de Saint-Quirin, dont le culte est marginal en Bretagne. Quirin est à la fois évêque et martyr, mais qui est-il vraiment ? Il existe en effet plusieurs personnalités à porter le nom Quirin :
- Quirin : Evêque de Sisak (en Croatie) martyrisé pour sa foi en 309 fut précipité dans une rivière une meule au cou.
- Quirin : Tribun sous l’empereur Adrien, aussi martyrisé pour sa foi et dont le culte fut populaire au Moyen-Âge dans l’est de la France, en Rhénanie et en Belgique
- Quirin : lui, aurait été victime en 269 de la persécution de l’empereur Claude. Son corps fut jeté dans le Tibre. Il a ensuite été enterré à Rome, au cimetière de Pontien sur la voie de Porto.
Le culte de Saint-Quirin pourrait avoir pour origine : Quiry ou Kiri : un saint que les bretons du Haut Moyen-Âge vénéraient. Kiri jeune roi breton parcourt le monde et arrive à Jérusalem quelques temps après l’Ascension de Jésus. Il se lie d’amitié pour Marie et les apôtres. Il est baptisé et repart avec de nombreuses reliques. Il meurt en route vers Nogent.
Quirinus : Divinité Romaine, la commune de Brec’h, et notamment le village de Saint-Guérin étaient occupés à l’époque Gallo-Romaine, Quirin pourrait donc être une couverture de Kiri. Le nom de Quirin se serait substitué à Kiri pour faire passer la croyance populaire à une croyance chrétienne. Le village porte, quant à lui, le nom de Saint-Guérin qui serait le résultat de la prononciation bretonne locale.
La fontaine de dévotion à St-Quirin est un édifice breton classique du XVIIème siècle restauré en 1890. Il est composé d’un édicule en granit abritant la source et deux statues récentes de la Vierge et de Saint-Quirin. En 1991 la fontaine a été reconstruite par l’AFPA de Brec’h. Une imposante statue du saint en granit a également été installée en 1998 près de la fontaine. L’eau de la source s’écoule dans un bassin rond servant aux ablutions des malades. Procédé courant dans les sanctuaires où, pour des raisons d’hygiène, les malades n’étaient pas autorisés à se laver directement dans la fontaine. Le site disposait également d’un lavoir pour le service des pèlerins.
Le rituel est le suivant : “Comme dans d’autres sanctuaires, on fait plusieurs fois le tour de la chapelle. A l’intérieur de celle-ci on salue Saint-Quirin et on prie devant son image. On peut également se confesser, assister à la messe et communier. Ensuite, c’est la procession, on se rend à la fontaine par le sentier “Ar vinoten”. A la source, on se lave le membre malade dans la piscine aménagée, on boit l’eau et on prie devant la statue”. S’il y a eu un miracle à la fontaine, le retour à la chapelle est triomphal. Certains reviennent avec les béquilles sous le bras, ou à genoux pour remercier le saint.
Le cahier des miracles de Saint-Quirin a été tenu de 1670 à 1770. Quatre vingt une relations de miracle et une attestation de visite y sont inscrits.
Le cahier des miracles est un document rare sur lequel les pèlerins inscrivaient la réalisation de leur voeu, principalement des guérisons survenues après avoir prié le saint et après les ablutions faites à la fontaine. Cette tradition a été inaugurée à la mort de Saint Vincent Ferrier en 1419 : ” Des miracles si extraordinaires se produisirent dit-on sur sa tombe qu’on décida de consigner les plus beaux par récit”. On retrouve à cette époque la même pratique du registre à Sainte-Anne d’Auray. Saint-Quirin étant sur la route qui mène les pèlerins vers Sainte-Anne, la tenue de ce registre s’est peut-être inspirée de celui de Sainte-Anne. Les dévots de Saint-Quirin étaient uniquement des bretons. Le sanctuaire attirait toutes les couches de la société, et principalement des gens qui souffraient de maux non guéris par la médecine. Le registre est un tableau des misères physiques des bretons de l’époque : fièvres, rhumatismes, problèmes oculaires ou locomoteurs, maladies qui nous sont inconnues.