MENETRIERS DE RIBEAUVILLE (légende)


C’était un jour de la St-Jean. Un pauvre homme, entouré de sa femme et de ses enfants tout en pleurs, se lamentait au bord de la route. Vint à passer le sire de Ribeaupierre – pourquoi pleures-tu mon brave homme?- Parce que j’ai cassé mon fifre qui était mon seul gagne pain ! Alors le sire sortit une bourse pleine d’or, la jeta à l’homme en lui disant :
-Je n’aime pas qu’on pleure sur mes terres. Achète un autre fifre et viens donc me voir là-haut un jour. Tu feras danser la jeunesse! Voilà la famille du joueur de fifre à ses pieds. Mais ce sire de Ribeaupierre était un rude soldat et il n’aimait pas trop les attendrissements. Il s’éloigna et le lendemain il avait oublié le joueur de fifre et, ce qui est mieux, sa générosité pour le brave homme et sa famille.
Quelques jours plus tard, on vint lui dire qu’un immense et très étrange cortège, s’acheminait vers le château. Le sire se rendit sur la terrasse et qu’aperçut-il?
Des joueurs de fifres qui jouent une marche guerrière, des frappeurs de tambours dignes des plus belles troupes, des souffleurs de trompettes, et des hommes-orchestre et des chanteurs de romances, et des montreurs de bêtes accompagnés de messieurs les ours, qui montent vers le Haut-Ribeaupierre en dodelinant poliment de la tête; et des chiens qui marchent sur les pattes de derrière pour se faire remarquer, et des chats qui tapent de la cymbale; et des singes pomponnés comme de jolies dames, avec des rubans multicolores passés dans la crinière; et des perroquets qui parlent comme père et mère; et combien d’autres curiosités aimables.
Tout ce beau monde entre dans la cour, pénètre dans les appartements du sire, charmé de se distraire un peu. …/… L’un des ménétriers s’avança, porteur d’une couronne et d’un fifre d’or. -Comte de Ribeaupierre, dit-il, tu m’as aidé quand j’avais perdu mon seul bien. Tu as oublié combien tu fus généreux. Moi je ne l’ai pas oublié. Ce que tu as fait pour un seul, tous viennent t’en remercier. Dorénavant, tu es notre roi! C’est donc de ce jour que les sires de Ribeaupierre furent les rois des fifres et des ménétriers, et, tous les ans, les ménétriers revinrent donner une aubade à celui dont ils étaient officiellement les vassaux. Ils portaient aussi une couronne de fleurs à Notre-Dame de Dusenbach, qui était leur patronne.
Le “jour des Ménétriers”, “Pfifferdaj” est encore aujourd’hui la fête officielle, le premier dimanche de septembre, de la ville de Ribeauvillé. Ce jour là, de grande rencontre avec le Moyen-Age, cette fête médiévale est la plus ancienne d’Alsace, perpétrée depuis 600 ans. Les habitants de la ville se mobilisent pour maintenir cette fête, ils participent à la construction de chars, à la confection de costumes et préparent l’énorme défilé. (le texte de la légende est extrait d’un récit d’André Waltz de 1909)